BP Orléans 61-65

Bonjour à toutes,
Depuis des années, je cherche un site ou je puisse parler du BP et, peut-être, retrouver d'anciennes camarades, et il a fallu cette émission sur France3 pour qu'enfin, sans chercher, je trouve ce forum. J'ai l'impression de revenir 50 ans en arrière.
J'ai été pensionnaire au BP de Charenton-le-Pont en 61 pendant quelques mois, puis transférée à Orléans jusqu'à juillet 65. J'y ai passé quelques diplômes.
Voici, en quelques mots, un souvenir de mon passage au BP avant de découvrir la vie "à l'extérieur".

Le BP ? Je ne savais même pas ce que c'était. Depuis l'âge de 4 ans, j'étais transbahutée de la Croix Rouge à l'Assistance Publique, de nourrices à des pensionnats. Ce voyage de Paris vers une destination inconnue ne changeait pas plus que çà mon état d'esprit. J'étais accompagnée par une soeur du BP de Charenton. J'étais dans la logique de la serpîllière inutile que l'on trimbale n'importe où avec la certitude que j'étais obligée d'être soumise, silencieuse et quelquefois, il faut le dire, avec un certain degré d'hyprocrisie. Cette fois c'étais Orléans, je l'ai su à l'arrivée. J'avais 14 ans. J'avais caché dans ma culotte la seule chose qui m'étais sentimentale (sans vraiment savoir pourquoi), une chaine en or que j'avais peur que l'on me confisque. J'allais vers mon futur sans crainte, sans haine, avec juste la désinvolture de celle qui va vers le pire ou le meilleur mais qui n'a pas le choix. De la gare au BP, à pied, je regardais le nom des rues : la dernière s'appelait Fbg Bourgogne, et là nous nous sommes arrêtées devant une immense porte style gothique et là, soudainement, j'ai eu l'impression que le couperet était au dessus. Soit je faisais demi-tour en courant, soit je passais la tête haute le seuil de ce domaine étranger, entouré de murs de plusieurs mètres de haut, mais fière de ne pas me laisser intimider par un ennemi imaginaire ou non qui allait me dicter l'attitude à prendre pendant les jours, les mois, les années à venir. J'arrivais dans un autre monde et il fallait en prendre son parti. J'avais envie d'hurler mais, trop fière, j'avançais la tête haute, comme Marie-Antoinette à l'échafaud. Plus rien, je crois ne m'atteignait, j'étais déjà morte : ce n'était pas là que j'allais apprendre à aimer, à échanger à dire "maman", "papa", "je t'aime". Ce moment précis, je l'ai considéré à ce moment là comme la fin de ma vie, de mes angoisses, de mes espoirs ; la fin d'un long couloir qui me conduisait au néant. Plus d'espoir, plus de rêves, plus moyen de s'imaginer ce qu'est un câlin. La fin. Je n'étais plus rien, mais je ne savais pas que je pouvais rebondir et reprendre, en partie, confiance en moi. A plus tard à toutes pour la suite !

Il y avait 2 sections d'internat à Orléans : la petite et la grande. J'étais dans la grande. Les filles qui la composaient avaient de 14 à 21 ans. La petite accueillait des filles de 4/5 ans et des plus âgées jusqu'à 21 ans aussi. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi on était placées dans l'une plutôt que l'autre. J'ai su, par la suite, que "les grandes" avaient mauvaises réputation et qu'il était interdit de parler entre la petite et la grande classe. Une nouvelle vie, qui a duré plus de 4 ans, s'ouvrait à moi.Tout était à apprendre : le silence, les prières, le travail après les cours et le samedi. Nous avions droit à un petit pécule qui nous permettait tout juste, chaque mois, de nous offrir du savon pour nous laver, du dentifrice dur, en plaquette ronde et sèche d'environ 2cm de diamètre qui avait un goût de savon. Nous avions droit aussi à l'étude du soir, ponctuée par une clochette qui nous donnait la permission de nous asseoir puis de nous lever une heure après. La Mère qui surveillait l'étude était assise face à nous, sur une estrade à 2 marches, derrière un bureau en bois massif qui me paraissait à l'époque très imposant. Pas un mot.Nous avions toutefois le droit de lever le doigt pour demander l'autorisation d'aller aux toilettes, mais nous le faisions le moins possible pour ne pas nous faire remarquer. La grande classe était composée de plusieurs équipes de 20 filles environ. La mienne s’appelait "Les Hirondelles" chaperonnée par Soeur Thérèse, elle-même pour la coulpe de Mère Marguerite. Soeur Thérèse nous supportait, mal. Elle ne nous impressionnait pas plus que ça car elle se fâchait souvent et c'était devenu habituel, de plus elle n'était pas plus grande que nous et nous surveillait les bras croisés sur son opulente poitrine, ce qui ne la mettait pas à son avantage.De plus, elle était vêtue de noir des pieds à la tête, alors que Mère Marguerite était grande, vêtue de blanc, assez hautaine. Soeur Thérèse ne frémissait que lorsqu'elle entendait le chanteur des Compagnons de la Chansons. Ca ne pouvait donc se produire que le Dimanche. Bizarre de raconter cela devant un écran. Il y a beaucoup de choses que je croyais enfouies mais ça revient. Je reprendrai mon clavier bientôt pour la suite. Bonne soirée à mes anciennes petites soeurs d'Orléans.

Bonsoir à toutes. Je voulais insérer quelques photos, mais impossible. Y a-t-il un moyen particulier de le faire ?

J'ai du partir tout l'hiver en province plus longtemps que prévu, mais avec l'intention délibérée de m'isoler au maximum : pas de PC ni de tel. portable. Tout juste mon fixe où personne ne m'appelait de peur de me déranger. Bref, un hiver loin de la région parisienne, de son bruit et de son insécurité. En pleine campagne dans un coin perdu du Cantal.
Mais j'ai quand même pensé à vous, tout en sachant que peu lisent nos petits écrits qui nous soulagent et font tant de bien. Je me suis souvenue surtout de la manière dont, à l'époque, nous nous évadions moralement. Pour certaines, chorale. J'en ai fait partie. Nous avions d'ailleurs participé à un grand concours que nous avions, il me semble, gagné. Nous avions à cet effet enregistré un 45 tours dont j'avais acheté un exemplaire mais que j'ai égaré depuis, lors des divers déménagements faits en 50 ans. Dommage ! Nous avions comme professeur un ancien grand professionnel, mais j'étais jeune et je ne me rendais pas compte de l'importance que cela pouvais avoir sur notre mental et la chance que nous avions. Pour d'autres, gymnastique. J'en étais aussi. Notre prof, un ancien champion lui aussi, nous apprenait à nous dépenser. Il nous donnait tout son temps. Je ne sais pas si c'était du bénévolat ou si le BP l'employait, mais il nous donnait tant. Grâce à lui, j'ai fait des concours, des championnats (j'ai été championne du Loiret dans les inter-départementales de 64 ou 65), ce qui me permettait, avec 2 ou 3 autres (Patricia par exemple), de sortir du BP (accompagnées bien sûr) et de rencontrer d'autres jeunes qui concouraient avec nous. Quel bonheur ! Nous avions l'impression d'être libres même si notre "véture" avait 10 ans de retard. Quand, en 1965, j'ai été qualifiée pour les championnats de France de gymnastique, j'étais la plus heureuse du monde jusqu'à 15 jours de l'événement. Une très bonne copine, Marie-Dominique R., m'avait prêté un rouge à lèvres(interdit bien sûr). Je l'ai essayé devant la glace du lavabo et à ce moment là, bingo ! Sœur Françoise qui était "l'agent de surveillance" de notre groupe m'a surprise. Rapport à Mère Geneviève. Sanction : Championnat de France interdit. Je crois que c'est la plus grosse punition morale que j'ai pu avoir. J'ai été privé des semaines de beurre (margarine) le dimanche, de visites (je me fichais, je n'en avais jamais) de sortie (en groupe 2 par 2) à Orléans, en uniforme (jupe plissée bleue, chemisier, soquettes et chaussures plates à brides), de radio, du droit même de parler à une autre, mais rien ne m'a autant mortifiée que cette punition qui me marque encore aujourd'hui.
On me coupe, a suite + tard. Bizzz